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Crises et espaces : questionnements, implications et effets
3 juin 2021, Campus Cité Scientifique Université de Lille


Les doctorant·e·s du laboratoire TVES (ULR 4477 ; Université de Lille, Université du Littoral - Côte d’Opale) ont pris l’initiative d’organiser une journée d’études par et pour les jeunes chercheur·e·s. Ses objectifs sont de stimuler les échanges sur un point commun à leurs sujets, d’offrir l’occasion de présenter ses travaux et de favoriser la construction d’un réseau qui se veut interdisciplinaire et interlaboratoires.
Le Comité d'Organisation prend acte de la crise de la COVID-19, actualité de cette année 2020, et de la multiplication des appels scientifiques la concernant pour proposer un sujet élargi dont les communicants puissent aisément se saisir. À travers cette première édition « Crises et espaces : questionnements, implications et effets », l’ambition est de réfléchir à la place de l’objet « crise » dans les sciences humaines et sociales. Toute discipline mobilisant une dimension spatiale comme la géographie, l’aménagement, la sociologie, l’histoire, l’épidémiologie ou l'économie peut s'avérer intéressante pour aborder la question.
La journée s’organise sous la forme de panels composés de communications orales de 10 à 15 minutes. Chaque panel est suivi d’un temps d’échanges. Un format hybride sera proposé pour cette journée d'études : présentiel et visio-conférences.


Contexte
Cette année semble être celle d’une crise sanitaire majeure et inédite. Pourtant, l’historien Claude Quétel précise que « le parallèle entre la grippe espagnole de 1918 et le coronavirus de 2020 mérite d’être établi » (Hofstein, 2020, paragr. 14). Laura Spinney ne manque pas non plus de souligner des liens entre cette épidémie et celle de la COVID-19 : par exemple, les recommandations sanitaires sont sensiblement les mêmes et nos systèmes de santé actuels sont grandement le produit de cette expérience (Bastié, 2020). L’ère post-crise est donc celle de changements mais aussi de reproductions.
Les crises relèvent de situations « considérées comme anormales sur une période donnée » et dont « les outils de régulation existants s’avèrent inadéquats » (Tardy, 2009, p.13). Elles comportent une dimension temporelle fondamentale. Elles peuvent être soudaines et violentes telle une « rupture de rythme » (Georges et Verger, 2000, p. 112), à l’image de la pandémie de grippe A/H1N1 dont la perception de brutalité a été accentuée par les médias (Rossmann et al., 2018). Elles peuvent également s’inscrire sur une période plus longue au sein d’une évolution générale, correspondant alors à un « temps de dégradation d’un système » (Brunet et al., 1993, p. 136) comme dans le cas de crises économiques. La crise écologique s'inscrit elle aussi dans une perspective temporelle, voire plusieurs : certaines de ses manifestations sont perceptibles à l'échelle d'une vie humaine, d'autres à l'échelle de la vie elle-même. Ainsi s'agit-il d'une « crise de la représentation que nous avons de la nature et, du même coup, une crise de l’humanité de l’Homme, c’est-à-dire une crise ontologique » (Monnier, 2012, p. 98). Toute crise soulève alors la question du temps de l’après, de l’ère post-crise. Une des originalités de la pandémie que nous connaissons est le recours à l'expression « monde d’après » qui catalyse les discussions, notamment médiatiques. Elle semble entraîner une projection vers un « monde d’après » qui ne relève donc pas seulement du temps mais aussi de l’espace en tant qu’« étendue terrestre utilisée et aménagée par les sociétés » (Brunet et al., 1993, p.194).

Par cette attention au « monde d’après », ce sont bien les territoires dans leur diversité, la dimension spatiale de la société et l’idée même d’espace qui sont interrogés dans leur « après » par cette crise et plus généralement par les crises. Si les crises sont de nature diverse, plusieurs exemples démontrent et illustrent leur ancrage spatial. La crise économique qui touche aujourd’hui les pays européens se révèle également être une crise des villes. En atteste le départ de populations urbaines pour un « retour à la terre » constaté au Portugal (Dolci et al., 2019) ou encore en Grèce (Perucho et al., 2015). Le continent africain dans ses parties saharienne et sahélienne est marqué de nos jours par des crises multiples ayant notamment trait aux jeux de pouvoir, aux ressources et aux soins. Les spécialistes abordent alors cette situation comme une crise éminemment géopolitique (Grégoire, 2019). Dans un autre registre, la crise du logement, au-delà de celle des modes de vie (Morin, 2020), soulève divers enjeux spatiaux. Dans la période d’après-guerre en Europe, cette crise relevait du phénomène d’urbanisation massive notamment consécutive à l’exode rural, à l’instar du cas italien (Cumoli, 2013). Aujourd’hui dans des quartiers de grands ensembles en Algérie, il est question d’une crise de l’écart entre l’espace conçu et l’espace vécu (Mebirouk et al., 2005). La crise sanitaire qui nous touche cette année présage des répercussions sur le tourisme, tel que le suggère Edgar Morin quand il « espère que l’expérience du confinement modérera la bougeotte compulsive » (Morin, 2020, p. 29) ou à l’image du mouvement de slow tourism et du « vivre slow » (Lebreton et al., 2020). Par ailleurs, certaines crises ont aussi contribué à faire progresser les sciences, dont celles de l’espace. L’épidémie de choléra de Broad Street (Londres) en 1854 fut, en effet, l’opportunité pour John Snow de démontrer l’intérêt de l’approche cartographique, aussi est-il désormais considéré comme un pionnier de l’épidémiologie spatiale (Shiode et al., 2015).
Nous posons alors la question de la dimension spatiale des crises qui marquent les sociétés. En quoi sont-elles aussi des crises de l’espace ? À quel point leurs causes, implications et conséquences sontelles spatiales ? Comment les crises influencent-elles nos façons de penser et d’étudier l’espace ?


Axes de questionnement
Pour alimenter et illustrer ces réflexions, nous présentons des exemples relatifs à la crise de la COVID-19 car ils soulignent la capacité des sciences de et par l’espace à se saisir du sujet des crises. Bien que celle-ci relève encore du présent et que le recul soit limité, les questionnements émergent déjà, concernant le caractère spatial des crises et de leur étude. Dans cette perspective, nous envisageons cette journée d’études comme celles des approches spatiales des crises d’une manière générale et/ou à traversdivers exemples.
Axe 1 : Penser l’espace avec les crises
Nous proposons de porter la réflexion sur l’espace et les crises d’abord avec une certaine distance. Les objets se veulent donc plutôt théoriques et conceptuels, voire épistémologiques. Il s’agit d’interroger les interactions entre les objets « espace » et « crise » :
- En quoi les crises qui touchent les sociétés sont nécessairement des crises spatiales (Campagna, 2020) ? Comment et pourquoi les problématiques et enjeux spatiaux participent-ils à la genèse des crises ? Dans quelles mesures peuvent-elles, à l’inverse, être à l’origine d’évolutions, de transformations, de créations ou de disparitions spatiales ?
- Que nous apprennent les crises (sanitaires, économiques, environnementales, sociales) passées et présentes sur l’espace et ses représentations (Honey-Rosés et al., 2020), conceptions, formes et dynamiques ? Quels enjeux spatiaux sont soulevés par la potentialité de nouvelles crises ?
- En quoi l'approche spatiale des crises enrichit-elle la réflexion sur la place de la recherche dans la société (Billaud et Hubert, 2020) ? Et, en retour, comment les crises contribuent-elles à alimenter méthodologiquement et réflexivement la recherche sur ou par l'espace ?
Axe 2 : Agir sur l’espace en réponse aux crises
Nous nous orienterons ensuite vers des travaux s’inscrivant davantage dans la concrétude du rapport entre l’espace et les crises. Que ce soit par des perspectives géographiques, aménagistes, ou autres encore, il s’agit de réfléchir au traitement des crises et à leurs conséquences, mais aussi d’étudier les perspectives qu’elles font émerger.
- Comment les crises peuvent-elles devenir des opportunités pour la société post-crise ? En quoi permettent-elles d’engager un renouvellement à tous les niveaux – politiques, économiques, scientifiques, environnementaux, sociaux, etc. ? Pourquoi est-il nécessaire de prendre en compte toutes les échelles des crises, du local au global (Borrell, 2020) et de l’individuel au collectif ?
- En considérant la crise et l’ère post-crise, quels ajustements les acteurs de l’aménagement spatial adoptent-ils pour l’existant ainsi que dans leurs projets ? Quels enseignements retenir des crises afin d’adapter les futures actions en matière d’aménagement de l’espace (Lai et al., 2020) ? Dans quelle mesure une démarche résiliente serait-elle un outil pertinent de gestion des crises (Organisation mondiale de la Santé, 2020) ?


Bibliographie

  • Bastié, E. (2020, 15 mars). Peut-on comparer le coronavirus et la grippe espagnole ? Le Figaro. https://www.lefigaro.fr/vox/societe/peut-on-comparer-le-coronavirus-et-la-grippe-espagnole-20200315
  • Billaud, J. & Hubert, B. (2020). Y aura-t-il un « monde d’après » pour la recherche ? Natures Sciences Sociétés, 28(1), 1-2.
  • Borrell, J. (2020). COVID-19 : le monde d’après est déjà là…. Politique étrangère, 2020(2), 9-23.
  • Brunet, R., Ferras, R. et Théry, H. (1993). Les mots de la géographie. Dictionnaire critique (3e éd.). GIP RECLUS et La Documentation Française.
  • Campagna, M., (2020). Geographic Information and Covid-19 Outbreak. Tema. Journal of Land Use, Mobility and Environment, Special Issue, 31-44.
  • Cumoli, F. (2013). Exode rural et crises du logement dans l’Italie des années 1950-1970. Le Mouvement Social, 245, 59-69.
  • Dolci, P., Cortes, G. et Perrin, C. (2019). Retourner à la terre pour faire avec la crise : ancrages et circulations entre ville et campagne au Portugal. Annales de Géographie, 727, 62-93.
  • George, P. et Verger, F. (2000). Dictionnaire de la géographie (6e éd.). Presses universitaires de France.
  • Grégoire, E. (2019). Le Sahel et le Sahara entre crises et résiliences. Hérodote, 172, 5-22.
  • Hofstein, C. (2020, 20 mars). Coronavirus : « Il y a de grandes similitudes avec l’épidémie de grippe espagnole ».
  • Le Figaro. https://www.lefigaro.fr/sciences/coronavirus-il-y-a-de-grandes-similitudes-avec-l-epidemiede-grippe-espagnole-20200320
  • Honey-Rosés, J., Anguelovski, I., Chirehd, V. K., Dahere, C., Konijnendijk van den Bosch, C., Litt, J. S., Mawani,
  • V., McCallh, M. K., Orellanai, A., Oscilowicza, E., Sánchezj, U., Senbela, M., Tank, X., Villagomeza,
  • E., Zapata, O. et Nieuwenhuijsene, M. J. (2020). The impact of COVID-19 on public space: an early review of the emerging questions – design, perceptions and inequities. Cities & Health. https://doi.org/10.1080/23748834.2020.1780074
  • Lai, S., Leone F. et Zoppi, C. (2020). Covid-19 and spatial planning. Tema. Journal of Land Use, Mobility and Environment, Special Issue, 231-246.
  • Lebreton, F., Gibout, C. et Andrieu, B. (dir.). (2020). Vivre Slow. Enjeux et perspectives pour une transition corporelle, récréative et touristique. Presses Universitaires de Nancy.
  • Mebirouk, H., Zeghiche, A. et Boukhemis, K. (2005). Appropriations de l’espace public dans les ensembles de logements collectifs, forme d’adaptabilité ou contournement de normes ? Norois, 195, 59-77.
  • Monnier, C. (2012). Crise écologique et éducation. Vers une nouvelle position éthique dans le lien entre l'homme et la nature. Revue d'éthique et de théologie morale, 270, 97-112.
  • Morin, E. (2020, 20 avril). « Cette crise devrait ouvrir nos esprits depuis longtemps confinés sur l’immédiat ». Le Monde, 28-29.
  • Organisation mondiale de la Santé. (2020). Renforcer la préparation à l’épidémie de COVID-19 dans les villes et autres milieux urbains. Orientations provisoires pour les autorités locales (publication n° WHO/2019-nCoV/Urban_preparedness/2020.1). https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/332017/WHO-2019-nCoV-Urban_preparedness-2020.1-fre.pdf
  • Perucho, L., Bazin, G. et Goussios, D. (2015). Crise économique grecque et nouvelles dynamiques agraires : l'exemple de la Thessalie orientale. Annales de géographie, 705, 473-497.
  • Rossmann, C., Meyer, L. et Schulz, P. J. (2018). The Mediated Amplification of a Crisis: Communicating the A/H1N1 Pandemic in Press Releases and Press Coverage in Europe. Risk Analysis, 38(2), 357-375.
  • Shiode, N., Shiode, S., Rod-Thatcher, E., Rana, S. et Vinten-Johansen, P. (2015). The mortality rates and the space-time patterns of John Snow’s cholera epidemic map. International Journal of Health Geographics, 14. https://doi.org/10.1186/s12942-015-0011-y
  • Tardy, T. (2009). Gestion de crise, maintien et consolidation de la paix. De Boeck Supérieur.

 

Contribution demandée
La proposition de communication devra traiter du sujet des crises par une approche spatiale thématique et/ou méthodologique. Elle sera développée en 5 000 signes au maximum espaces compris, bibliographie incluse (Times New Roman, 11, interligne 1,5). Les proposants enverront également une courte biographie de trois lignes précisant leur laboratoire, leurs domaines de recherche et leur sujet de thèse.
Les propositions sont à envoyer à doctorantstves@gmail.com au plus tard le lundi 8 mars 2021. Les proposants seront informés des résultats de la sélection le lundi 29 mars 2021. Une valorisation est envisagée a minima sous forme d’actes. Le texte complet des communications est attendu pour le lundi 24 mai 2021 : 25 000 signes (espaces compris).

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